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Chemin de Compostelle - Le 10 Juillet 1999
Je suis partie, disons avec le troisième train, dans la nuit et le brouillard. Il pleut sous les grands arbres. Ainsi la terre jouit même là où le soleil s'absente.
Le soleil caresse le haut des monts
Là un chapeau mordoré
Ici une ligne brisée
Plus loin un faisceau brumeux
D’où émergent de mystérieuses crevasses.
Tout cela sous le regard attendri
De dame lune.
Le chemin s’enfonce inexorablement
Dans le ventre de la terre
Ici, il traverse un village
Aux ruelles encaissées
Où l’eau claire court entre les pierres.
Un pont pour franchir la cascade
Sans les flèches jaunes comment
Ne pas se perdre dans ce dédale.
Les chiens profitent de la fraîcheur
Cet après midi ils chercheront l’ombre
Les moutons attendent patiemment
L’heure de l’alpage
Et déjà voici le cimetière.
Là où dorment les anciens
Passe celui qui est tombé hier
Déjà nous remontons
Pour redescendre bientôt
Ainsi le chant de la rivière
Va crescendo.
L’amie fidèle est toujours là, trace fine
Trait épais, point sur le dos de la pierre
Tant de regards l’ont cherchée, espérée
Et finalement avec soulagement trouvée
Elle est celle qui guide, rassure
Relie le pèlerin au camino
Les pèlerins entre eux
Ceux d’aujourd’hui, ceux d’hier.
Cette fois-ci ça y est, l'astre du jour a franchi le sommet
Et le voici qui court dans l’eau
Passe la vallée et vient caresser la joue
Dans la montée, il commence à me réchauffer.
Au versant des coteaux ce sont les ombres
Maintenant qui se jouent du soleil
Et le chemin de même va et vient
Ici c’est une allée ombragée
Où il fera bon plus tard de musarder.
En voilà une qui passe à toute allure
Laissant derrière le mari
Elle se dépêche, dit-elle, d’arriver
Avant les grosses chaleurs
Mais déjà elle transpire dans la fraîcheur
Plutôt que d’en profiter.
Quand le soleil a enfin caressé
Le pubis de la terre
Des odeurs suaves se sont élevées
En volutes bleues…
Il y avait là une belle croix sur un monticule, une vierge à l’enfant
C’est là que Gandhy est apparu.
Maintenant, c’est l’heure du défilé, le dernier train pour Melide. Les autres attendent depuis 10 heures à la porte de l’albergue de Palas de Rei. Pourvu qu’ils ne se battent pas, la tension est forte, la peur d’être à la rue, ne pas avoir de lit…
Depuis quelques jours, ça patrouille sur le chemin, en voiture, à cheval, en moto.
Le vent se lève et ça c’est très agréable.
La décision est prise, j’ai un peu les boules, je suis bien ici, j’ai un lit, il y a de l’espace et la fatigue ne manque pas. Mais voilà, si je refais 10 km ce soir, demain je pourrais être à Santiago. Se poser pour le moment et tranquillement faire ce qu’il y a à faire.
Fred m’a dit n’oublie pas Patrick, ni Nuque raide. Demain lorsque je vais poser mon front sur la tête de granit, je veux rayonner d’amour et de compassion pour tous.Patrick… tout est si loin, maintenant. Tu es mort et c’est comme si je ne savais plus. Le pardon ? Pour toi d’être parti ? Pour nous deux, d’avoir blessés ces enfants là, les nôtres ? Pour moi ? Trop égoïste, centrée sur ma souffrance et mes doutes ?
Paix ait ton âme, mon ami, mon doux, mon tendre, je caresse ton visage, je ferme tes yeux, à tout jamais. Ne soyons plus tristes. Ce soir partons ensemble, pour marcher un peu…
Demain, en décider, sera un grand jour !
Tags : Chemin de Compostelle, Melide, Palas de Rei, le 10 Juillet 1999
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