• Un orage dans la nuit, le linge que j’avais lavé hier soir et mis à sécher dehors est trempé. Rester une journée de plus ? C’est décidé, mais pour autant mes nippes pourront-elles sécher avec la grisaille qui persiste ?

    En attendant, je découvre le lieu. Pour voisin, un drôle de personnage qui habite dans une caravane délabrée avec un chat et tout un bazar.

    Ce matin, dés l’aube, il a entrepris je ne sais quelle tâche avec entrain, entrant, sortant de son logis, en claquant la porte. Il va et vient avec bassines, bouteilles et casseroles en chantant à tue tête des airs qui s’envolent haut, haut, on dirait une tyrolienne.

    Il a un fort penchant pour le bavardage, il est là debout, sans fatiguer, que l’autre soit assis ou qu’il vaque à ses occupations, rien ne semble le décider à lâcher ses "proies". De loin, c’est amusant. Cela le serait beaucoup moins s’il lui prenait l’idée de venir me tenir compagnie. Mais il m’ignore et je reste spectatrice.

    La gérante du camping me dit que les gens se plaignent et qu’elle ne gardera pas ce client si particulier. Ah, tout ce qui est différent est rejeté, nous voici ainsi fait, ne surtout pas être dérangés. Une petite voix me chuchote : « Et toi, et toi… »

     

    Je décide de retourner en ville pour sécher mon linge bien rincé dans un lavomatique.
    Rue St Jacques, ce n’est pas une blague, j’en trouve un. Deux petites vieilles sont assises bien sagement devant les machines, et un haut parleur déverse un chapelet, non pas d’horreurs, mais de prières !

    Le mystère étant ce qu’il est, je n’ai demandé d’explication, ni aux grand- mères, ni à la patronne du lieu, pas même à dieu. J’ai séché mon linge et m’en suis retournée au camping, bien décidée à tailler une bavette avec la Tyrolienne.

     

    Là, où il y avait un navire mis en cale, il n’y a plus qu’un rectangle jaune. Ils l’ont viré le joyeux, le bavard. Le spectacle est fini, tout est rentré dans l’ordre, monotone.

    Qu’importe, demain je reprends le chemin, je ne saurai plus rien de ce qui s’est trouvé rétabli ici. Sur la route, c’est le nouveau qui se présente à chaque instant, plus profond que la fatigue, "ça" marche d’un pas paisible.

    La nuit approche doucement …

    - Le chemin, n’est il pas ton maître ?

    - Il guide, montre du doigt… oui, tu es tout cela. Dis-moi, pourquoi, bats-tu mes pieds ? Pourquoi cette chaleur qui n’en finit pas de quitter par tous les pores de la peau quand le corps cherche repos ?

    - Laisse-toi porter par le chemin.

    - Pour le moment c’est moi qui porte et c’est dur !

    - Ecoute : Laisse toi porter …

    Le cœur se remplit de joie, tout est là à sa juste place.

     


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  • Une plainte déchirante dans la nuit. Cela vient du bois. Impossible de reconnaître ce qui se passe là. Je suis restée attentive au moindre souffle jusqu’au petit matin, puis me suis endormie pour un court moment, alors il a fallu se lever.


    La marche est difficile, le manque de sommeil, bien sûr, mais aussi, ce cri resté au creux de mon ventre et son écho monte et me noue la gorge.

    Un peu avant Châtres, je m’arrête aux abords d’un château. Il est habité, et l’entrée du parc est signalée par diverses interdictions et menaces, aussi celle d’un chien méchant qui monte la garde.


    Les chiens, en voilà un sujet d’angoisse. Avant même que le danger se présente, l’idée de ce qui pourrait se passer. Il y a quelques jours, une véritable panique, alors qu’un boxer s’acharnait sur la clôture pour me rejoindre.

    Je ressassais cet événement, assise sur un gros rocher, lorsque deux furies ont surgi. J’ai bondi sur mes deux pieds, j’en aurai eu quatre j’aurai bondi sur les quatre, j’en aurai pas eu du tout j’aurai bondi quand même. Elles se sont jetées sur moi… ardentes de tendresse, joyeuses, joyeuses. De boue et de baveuses léchouilles elles m’ont sali les mollets et le caleçon tout propre. Aucun soulagement à les trouver aussi inoffensives, aucun humour devant le constat que les propriétaires du château ont bien mal choisi leurs molosses.

    Malgré tous leurs efforts pour m’entraîner dans leur folle cavalcade, je me renfrogne de plus en plus, perdant un temps considérable à trouver une solution pour me débarrasser d’elles.


    L’arrivée à Châtres, alors qu’il est l’heure de manger, est laborieuse. Les quartiers périphériques sont toujours longs à traverser, on croit avoir atteint son but mais il reste toujours plus d’effort qu’on ne le pense.

    Alors, je m’offre un repas au restaurant. Et bien que le patron ne soit pas aimable, et le steak très moyen, je passe un moment agréable à la terrasse.

    Je reconnais Châtre, en franchissant le pont de la ville basse, sans me souvenir de l’époque où j’y serais venue. Visite du musée de George Sand, les pieds nus. Je suis seule, à déambuler en ce lieu. Le carrelage est si froid qu’il faut rechausser.

     

    Quelques achats, j’ai même trouvé une nouvelle cartouche de gaz. Mon accoutrement intrigue dans ces petites villes bourgeoises, je ne m’attarde pas, je file vers le camping où je pourrai passer la nuit et laver le linge.

     


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  • Au petit matin, la cape laissée dehors, suspendue à une branche du tilleul, était coupée net, un danger aura passé tout près.

    Elle a repris la route, et n’y a plus pensé.


    "Il vaut mieux manger son pain noir avant son pain blanc". C’est ce que tu répétais, si souvent, ma tante. L’enfant aimait ces mots, promesse d’une récompense puisque le pain noir nous le mangions, et puis tu les disais avec tellement d’entrain.
    Trahison, ma tante, mensonge que cela !

    Tout est là, notre résignation à subir, la confusion de nos esprits, la persistance de l’illusion, notre fuite en avant. Sous cette prétendue sagesse, l’arme fatale, celle qui mène du fol espoir à la désespérance. Comme si quelque chose pouvait être définitivement acquis ! Il n’en est rien, pain noir et pain blanc se succèdent dans cet état d’impermanence.

    Ainsi, il en va de, marcher, s’arrêter pour se reposer et encore marcher. Inutile de se lamenter devant la route droite à n’en plus finir, se laisser pénétrer par ce rythme lent, ne pas se séparer.

    Et puis… ces étincelles : la dame du bistrot n’a pas voulu que je règle le café, comme ça… Comme si ce n’était pas elle et que ce n’était pas moi, comme si quelque chose de définitivement beau pouvait exister.


    Chateaumailland. L’église est belle, elle résonne aux battements du cœur. Intense émotion devant une vierge du rosaire, une vague qui prend, emporte et redépose, les yeux plein de lumière.

    Au presbytère, elle est accueillie par un père d’une communauté dont elle ne retient pas le nom. Il lui offre du café, de la compote de rhubarbe tellement rafraîchissante. Il lui parle d’une voix douce et chaleureuse, les mots ne laissent aucune trace en son esprit, tout son être est à l’écoute. Dans une si grande intimité, cet homme la pénètre en quelques "secrets". Elle ne veut pas, pas encore…

    Il a proposé le gîte et le couvert, elle a refusé, prétextant qu’il était trop tôt pour s’arrêter. Il lui faut poursuivre son chemin.

     

    La ville, je l’ai traversée sans même m’en rendre compte, et me voici dans les faubourgs sans eau, sans pain, sans soupe.

    J’ai continué comme ça, jusqu’à 19h. Arrêt entre Chaume de Bois et Montlévicq. Dans cette campagne, largement ouverte, de champs et de prés, m’en suis allée vers un petit bois qui pourrait offrir un abri. Dès que je franchis la lisière une atmosphère lugubre me tombe dessus, ce n’est que désolation en cet endroit sombre, comme si des bêtes féroces avaient dévasté.

    Je m’éloigne et monte la toile sur le chemin, espérant qu’aucun engin n’aura besoin de passer par là.

     

    La vue s’étend en lignes courbes, au loin une ferme isolée. Dans la prairie, de jeunes bœufs sont venus se frotter le cuir aux troncs déracinés, puis ont disparu à la tombée de la nuit.

    Je suis seule maintenant.

     


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  • Mouillée, la nuit en camping sauvage, à la lisière de la Traconne, et je dois ranger le matériel sous la pluie qui ne cesse. J’ai gambergé mon coup avant de sortir du nid douillet, et les choses se sont bien passées.

    A Urçay, j’ai pris, avec entrain, un petit déjeuner copieux. Peu à peu, le ciel s’éclaircit, et pour la première fois, je trouve un rythme de marche.

    Une vraie journée de solitude, sans peur, sans reproche, sans attente.

     

    Vers 16h30, c’est son heure, la fatigue rapplique.

    La fatigue ? Elle est bien réelle, et réclame l’arrêt, la bouf, le dodo, mais, elle tient serré dans ses mailles … un appel de détresse qui se tait. Il y a là, au plus profond, une bête aux abois, un enfant perdu au milieu de la cohue. Pouvoir l’entendre sans succomber à la plainte.

     

    Près de la Goutte des Saints, un drôle de village où un mauvais pressentiment lui a fait hâter le pas, elle a trouvé un trèfle à quatre feuilles. Elle l’enverra au fils qui garde le chat et la maison.

    A la sortie de St Christophe, le Chaudry, un coin charmant pour camper au bord de l’eau, sous un grand tilleul.

    Déjà, il recommence à pleuvoir. Que la nuit soit bonne pour tous. Une nuit de paix et de douceur…

     


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  • Après un détour dans la forêt, y retrouver une source enchantée par des légendes du temps lontan, histoires de Mélusine, de druides et de fées, Viljot est son nom, rendre visite au chêne carré ; après, elle a cherché un magasin pour se ravitailler, plus rien à manger. Elle s’est dirigée vers le Rond du Gardien, comme ça, à cause du nom.

     

    Le temps de constater qu’il n’y a qu’un restaurant, que celui-ci est fermé, ils m’ont interpellée. C’est elle qui s’est élancée. Elle m’a confiée que son fils était parti seul en voyage au Canada. A son retour il a raconté, la beauté des paysages, les amitiés, mais aussi combien il s’était senti vulnérable dans cette rencontre de l’inconnu. Alors, lorsqu’elle m’a vue…

    Monique et Daniel, m’ont invitée à partager leur repas dans le joli camping-car, tout neuf.

     


    "La route de St Jacques n’est qu’accueil, partage, fraternité. A chaque rencontre l’essentiel passe, parce qu’il n’existe plus d’accessoire… "

    Hier, elle a grincé contre la niaiserie et le manque de discernement de ces mots lus dans un magazine. Aujourd’hui, elle laisse filer, s’en fout des idées qui disent que oui, qui disent que non, laisser approcher ...

     


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  • A l’orée de la forêt, se reposer… écouter les voix…

    Peu importe tes propres limites, pas besoin de faire des comparaisons, ce qui est important, c’est de voir ce qui se passe lorsque tu atteins les tiennes.

    Tout se construit et se déconstruit, ici même.

    Vois, tu es toi-même la cause.

    Le soir où tu as entendu dans le vent, ton sac était si léger que tu dansais.

    La désespérance est impuissance, c’est dans la joie que se fera la rencontre.

    Là, où la force te sera donnée, va ; et dans la fatigue,  arrête-toi pour te reposer.

     

    Oui, je ne ferai pas de ce voyage "vers toi", un enfer. Oui, ce n’est pas une question de pardon, mais de réconciliation, acte d’amour, de confiance, de tendresse. Alors, c’en est fini de cette attitude entêtée qui dit : «marche ou crève !», comme un vieux compte à régler.

     

    Elle regardait les verts des feuillages, l’immobilité de l’air, la fraîcheur qui s’étendait alors que le soir tombait sur le lac dans la grisaille. Elle était presque en paix. Presque... le corps, détendu, touchait le ciel, mais la tête gardait des histoires à se raconter. Ces histoires répétées. Elle savait cela… qui ne demandait qu’à mourir au bout de son entêtement…

     


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  • L’enfer s’est ouvert sous ses pieds, les échauffements, et maintenant des ampoules. Le cœur lourd comme une pierre, kilomètre après kilomètre, elle avance un chemin sans mur, sans ombre.

    STOP !

    Décision, action, elle a arrêté la première voiture qui s’est présentée. Un couple de jeunes, le sac dans le coffre, elle leur demande de l’accompagner au camping le plus proche. Ils ne posent pas de question, connaissent un camping où ils la dépose.

    Plus rien à manger ! Il reste un sachet de soupe.

     


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