• Chemin de Compostelle - Le 10 Mai 1999

    Grande forme en ce matin ensoleillé, la nuit a été bonne. Le sac si léger et je découvre un réglage des bretelles qui apporte du confort.

    Les paysages sont très beaux du coté de Cruzon. Ça grimpe, mais, comme si des ailes m’avaient poussé, comme si les forces qui travaillent à ces formes profondes agissaient en moi...

    Dans la côte qui mène au village, des cyclistes me doublent lentement, ils ne semblent faire aucun effort. Cela s’appelle mouliner. D’où vient cette expression ? J’en sais rien, mais il suffit de les voir pratiquer pour savoir qu’ils moulinent. Certains moulinent avec beaucoup de sérieux, ces cyclistes là sont très joyeux. Ils se sont arrêtés près de l’église pour pique niquer. Ils sont hollandais et partent pour Compostelle.

    Je suis émue de rencontrer ces premiers pèlerins, eux sont surpris : « A pieds ? Toute seule ? ».

    Souvent on m’interroge à ce sujet, cela intrigue, et occasionne beaucoup de remarques. Le plus souvent on me dit inconsciente, comme si je m’étais inconsidérablement ma vie en danger.

    Je ne me sens pas en danger. Parfois il est là, si près, et met tous mes sens en alerte, et c’est bien. Parfois, je fréquente mes vieux démons, et c’est bien. Mais ce qui m’a mise en marche est en moi, une présence, une confiance absolue. C’est la première fois dans cette vie, que l’Action est. Elle a pris les devants, moi, je suis, j’écoute, j’apprends, je révise. Il ne peut rien m’arriver de mauvais, juste ce qui doit se faire.

    Impossible à expliquer cette alchimie, et cela me fait bien des regrets, comme un fossé entre eux et moi.

     

    Ici, la clef de l'église est à l’épicerie. Il y a tant d’églises qui restent fermées au passant. Et pourquoi sont elles fermées ?

    "A cause du vandalisme", me répond-t-on. Hommes de peu de foi ! Maison de dieu, avez-vous dit, et vous avez peur des voleurs ! Vous vous racontez des histoires auxquelles vous ne croyez même pas ! Vous avez le christ à la messe et vos vies dehors. Il n’y a que des enfants, des innocents, pour vivre au cœur de Jésus. Ceux là ne grandiront jamais tout à fait comme les autres.

    Enfin, ici les clefs sont à l’épicerie, et la bonne femme m’a remis une notice de renseignements pratiques sur le chemin de Compostelle dans le Limousin. C’est une bonne idée, je remercie.

     

    En quittant la ville, elle s’est trompée de chemin. Elle a monté la côte, là où il fallait la descendre. Mais rien ne peut entamer l’allégresse de cette journée en tant de beautés.
    Elle décide de demander un coin pour planter la tente, à la Chapelle-Balou. Pour ce genre de démarche il ne faut pas réfléchir, et, oser dés l’entrée du village.

    Une femme est dans la cour, un panier à la main, elle semble hésiter :

    « Un coin pour planter la tente ? Ça peut se trouver… Et un bon lit, avec des vrais draps ? »

     

    Pendant que Dominique prépare le repas, Michel lui fait visiter la chapelle du château. Ils ont été aussi au calvaire près du cimetière, il y a en cet endroit une très belle croix biface et un autel en granit.

    Il est heureux de partager, il a fait de longues recherches, passionné d’histoires, de généalogies, d’art, de vieilles pierres…

    Elle se traîne, mais l’écoute avec attention. Les traces du passé, elle s’y intéresse, elle les contemple, les frôle, les renifle, elle s’imagine pouvoir y trouver une réponse, convaincue que ces dresseurs de pierre, ces tailleurs, ces bâtisseurs, avaient percé quelques secrets qu’ils auraient enfouis dans la roche.

    Parfois, une émotion, une vibration, et c’est comme si c’était tout à coup vivant en elle.

    Cet intérêt a du commencé avec la cathédrale de Chartres, Chartres où elle est née. Il a du s’éveiller à l’atmosphère sombre, humide, si particulière de ce gros ventre, à cette architecture à l’assaut du ciel, aux énergies si particulières de cet endroit.



    Jusque tard dans la nuit nous avons discuté, et puis Dominique veut m’accompagner en voiture, jusqu’à Bénévent L’Abbaye. Elle dit que La Souterraine n’est pas une ville sûre, qu’il faut l’éviter.

    Je refuse. Elle ne comprend pas lorsque je tente de lui expliquer, que ce soir je remercie pour tout ce qu’ils m’ont offert de si bon cœur, mais que demain, je dois reprendre mon bâton. Elle me dit que le chemin c’est aussi se laisser prendre en charge, Michel reste silencieux. Je suis lasse, je ne veux pas me justifier. Alors, je ne dis pas que La Souterraine, j’en ai rêvé en consultant un guide avant de partir.

    Il y avait une photo de l’église, qui m’a semblé fort belle, et puis le site aurait gardé des traces de l’époque gallo-romaine. "Quand j’en serai là…"  Je n’y croyais pas, pouvoir faire ce long chemin... J’y suis, et rien ne me fera manquer ce rendez vous avec mes doutes réduits à néant.

    J’ai dormi dans la chambre de Dominique et de Michel, il n’était pas question de refuser...

     

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