• Chemin de Compostelle - Le 21 Mai 1999

    L’association "Partage" œuvre pour la réinsertion des grands paumés dans un ancien couvent. A l’occasion ils hébergent des pèlerins. L’accueillant, c’est ainsi qu’il s’est nommé, m’a présenté les activités, le projet.

    C’est toujours le même discours, je le connais, je l’ai pratiqué, y est cru, et finalement.... Bon, nous partageons le petit déjeuner. Il me demande si je suis une religieuse, et, si "ce bâton" a quelques utilités ? Non, je ne suis pas religieuse, oui le bâton est utile. Il aide dans les montées et marque le tempo de la marche. Et puis, (mais ça je ne lui dis pas), ce bâton est mon compagnon. Nous nous sommes trouvés, éprouvés l’un à l’autre, partageant tout depuis ce jour dans la forêt, son âme de bois veille nuits et jours.

     

    Avec cette rencontre, ces certitudes qui s'affichent, le mépris perceptible derrière un air "bien comme il faut", la question du social vient s’immiscer dans ce voyage au bout du bout. Et me voilà à frapper la question au rythme de mes pas.

    Pour cet homme aucun doute, les pauvres, les chômeurs, doivent se bouger le cul pour réintégrer les forces vives, et on va les aider à ça ! Question d’éducation, question de formation, question de soins. Le manque de travail ? Personne ne semble remarquer que du temps où le système avait besoin de bras, les travailleurs étaient parfaitement adaptés.

    J’avais pensé avec cet engagement dans le social (le mien) participer à plus de justice, jusqu’à me rendre compte du marché de dupes, voir le mensonge. Car en vérité, il ne s’agit que de contrôle social, et ce à tous les niveaux, celui de l’assistanat, celui de l’éducation, celui de la relation d’aide. De quoi écrire un livre, ces maltraitances faites au nom de l’assistance à enfants en danger ! Ainsi va la marche de ce monde…

     

    De Thiviers à Périgueux, la départementale porte le nom de route Napoléon, elle est toute droite, enfin jusqu’à Sorges c’est ennuyeux mais tranquille.

    Sorges est un cocon vide, les fontaines n’y crachent plus qu’un liquide impur. Ailleurs aussi, les fontaines se sont tues, mais ici impossible de trouver de l’eau, on me ballade d’un point à un autre, et je ne trouve que des robinets condamnés. Pareil pour le téléphone, pas de cabine, il faut attendre que la poste ouvre. Je m’entête, je ne partirai d’ici qu’après avoir pu téléphoner et la gourde pleine.

    Je m’installe sur un banc, à l’ombre d’un bosquet face au bureau des PTT. Il est début de l’après midi, on dirait qu’ils font tous la sieste. Puis une petite grand-mère est sortie avec sa canne, à pas menus. Elle ne m’a pas vue. Je l’entends papoter avec une voisine. La place s’anime peu à peu, comme des souris qui sortiraient de leur trou. Il y en a celui qui va vers une voiture qui laisse tourner le moteur, retournant chercher quelques objets dans la maison. Il y a la postière qui sort prendre un sac dans sa Peugeot. Une autre observe du coin de l’œil, l’étrangère à ce lieu.


    Le téléphone de la poste était en dérangement. Pour trouver de l’eau il m’a fallu me rendre à la mairie, suis restée coincée dans la porte avec mon barda. Un employé a du ouvrir les deux battants, si non j’y étais encore.

    De Sorges à Périgueux la route Napoléon devient la route de la mort. Pas de place sur le bas coté, la circulation est dense et rapide. J’avance.

    A un carrefour, au volant de sa camionnette, un homme me sourit. Vrai, je lui trouve une bouille sympathique, le premier sourire de la journée, je m’empresse de lui répondre. Je le retrouve un peu loin, il m’attend, il m’appelle : « Viens, viens.. », il est entrain de se masturber. Oui, ce n’est pas si simple un sourire !

    Et maintenant cette femme, dans ce café minable qui ne sait rien, pas même la douceur de la voix, la tendresse des yeux. Tout aussi désagréable que celle de ce matin qui n’avait pas de toilettes dans son débit de boisson.

    Foutue journée, inutile d’insister ! Je m’arrête. Je monte la tente dans un sous bois et vite, vite, je m’endors…

     

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