• Chemin de Compostelle - Le 13 Juin 1999

    Dimanche
    Nous en avons décidé ainsi, je pars la première, plus tard, sur le camino, Rotraud et Markus me rejoignent. Ils marchent si vite ! Que Markus avance de ce pas allègre cela n’a rien de surprenant, il est jeune, très mince, en pleine forme quoi ! Mais que Rotraud me double dans les côtes, alors qu’elle est plus boulote que moi ! Rien y fait, ses cuisses font frou-frou, le pas rapide dans les montées, dans les descentes elle court, saute au dessus les pierres. J’ai voulu la suivre, elle était fraîche comme un gardon à peine sorti de l’eau, et moi complètement exténuée. J’ai dit : « stop, je ne peux pas continuer comme ça ! » C’est elle qui a proposé le rythme à deux temps et ça marche très bien comme ça, pas de frustration, ni de fatigue occasionnée par un non respect de son propre rythme.

    J’ai donc franchi la porte qu’ils flânaient encore tous les deux. Juste derrière moi, un pèlerin allemand. Cet homme est un géant, son bâton est à l’identique, une grosse branche, on pourrait dire un petit arbre. J’ai remarqué cette chose couchée au sol, hier soir, complètement incrédule, je me suis frottée les yeux.

    J’avance tranquillement, il est toujours derrière moi. Le géant serait-t-il escargot ?

    Alors que nous allions sortir de la ville, je l’ai senti se rapprocher, le voilà qui me dépasse. Je n’ai jamais rien vu d’aussi beau, comme un immense paquebot qui s’élance sur l’océan, il glisse !


    S’arrêter et poser le verre, que toute cette beauté puisse s’épanouir, le ciel gris et nuageux, le souffle du vent dans les pins, l’odeur du thym, tous ces chants vénèrent la beauté du paysage.

    Ils sont là, les compagnons d’un jour, puis très vite plus personne et le temps dérape et s’ouvre sur l’éternité. Tout est vacuité, ici ma vue brouillée le perçoit avec acuité.

    Puis reprendre la marche, et cette image qui s’impose de ces grands hommes, les Peuls je crois. Elle surgit lorsque le corps rectifie de lui-même la posture, le dos bien droit au milieu du sac, le regard posé là qui s’ouvre sur un large champ. Je me sens alors grandir, toucher le ciel, l’effet d’apesanteur disparaît, j’avance sans effort, à mon tour je glisse.


    Rotraud m’accompagne un moment, son regard bleu intense, elle est comme ces ponts qu’elle aime, elle relie l’allemand et le français et l’espagnol. Moi, j’aime les clochers, les flèches qui s’élancent au ciel, mais aussi les grottes profondes qui enfoncent leurs racines en la terre silencieuse.

    Le gothique et le roman ? Comment concilier les deux ? Le faut t-il vraiment ? L’un a précédé, mais quelle importance qu’ils sont là dans le même temps !


    Ce soir, nous nous retrouvons à Los Arcos, dernier repas avec Rotraud, je l’accompagne à la messe, cette bénédiction prend une signification particulière.

     

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