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Madame Loublié
Les cordes du passé
Comme celles d’un violon
Vibrent l'air en un appel
Celui du grand sapin dans la nuit
J’ai connu une petite fille
Qui mêlait ses larmes au vent.
Je l’ai connu bien vieille
Sur le chemin de Compostelle
Son nom, Mme Loublié.
Je m’étais arrêtée parce qu’on m’avait parlé d’elle
Le prétexte ? La crédentiale à tamponner
Je m’en tamponnais bien
Marchant toujours à côté, mais…
En face de l’église
Je me souviens aussi d’un pont traversé
J’ai frappé à sa porte.
Elle m’attendait, c’est sûr
Elle m’a parlé, parlé
Comme on noie son dernier chagrin
Juste avant de partir.
Pendant la dernière guerre
Petite parisienne, elle avait été "déportée"
En Auvergne, où on n’en doutait pas
Elle serait à l’abri, et nourrie correctement
Mais voilà, c’est toujours la même histoire
Il y a cette chose dans l’humain
Qui lui fait manquer de tout dans la séparation
C’est son destin, ça… avant de toucher là ...
Voir !
Tous les soirs, elle pleurait sa mère
Restée dans la grande ville
Alors elle allait sous le grand sapin
Dans le vent, et même la pluie
Persuadée que celui qui chantait
Du bruissement des longues branches
Comme autant de cheveux emmêlés
Persuadée que ce souffle emporterait
Loin là-bas jusqu’à la capitale
Sa plainte et que sa mère l’entendant
Viendrait la chercher…
J'avais franchi ce pont et déjà le glissement, peut être depuis la veille quand on m'avait parlé d'elle avec tant de commisération, qu'on lui avait laissé le tampon que plus personne n'allait la voir depuis qu'elle ne pouvait plus héberger les pèlerins. Mais au fond quand les rencontres se font, c'est comme si elles étaient inscrites dans le chemin de vie.
A chaque fois, cette intimité immédiate, enfin plus que cela parce que cette forme d'intimité je la ressens avec toutes personnes, les humains, mais aussi les animaux, et les arbres, et les montagnes... il n'y a que les humains qui s'en trouvent gênés, alors garder cela secret. Plus ?
C'est attendu, un rendez-vous qu'il est impossible de manquer, qui vient à son heure sonnée, quelque chose s'étonne de cela, quelque chose le sait.
Quand je suis partie, je l'ai prise dans mes bras, elle tremblait un peu, je crois qu'à cet instant, c'est sa mère qui la prenait, elle petite fille, contre son cœur. Le vent avait fini par répondre à son appel.
Là, le temps n'existe plus, c'est bien tous les temps en même temps...
Tags : nuit, souvenirs, sapin, compostelle
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