• Dimanche
    Je me suis réveillée avant la pointe du jour, mais la fièvre semble m’avoir quittée ne laissant que la fatigue. Trop de fatigue, je reprends les rênes de ce cheval fourbu, et n’irai pas au-delà de mes limites aujourd’hui, la nouvelle lune c’est Mardi.


    Plus difficile de faire 20 km qu’hier 40, un vrai supplice malgré les pauses. Un monde fou sur le chemin, un troupeau de moutons au galop.
    A 21 km de Santiago, au bord de la nationale, dans un relent de pisse, je tente de remettre la machinerie en route.

    « Laisse-moi marcher dans la beauté. »


    J’arrive à l’albergue de Santa Irene, plus de place. Je me dis, je me repose un peu puis je repars. J’étais en train de manger dans la cuisine, lorsque j’entends un homme parler avec l’hospiterios : « … Frances, la Frances… » Et voilà que l’on me donne un lit ! Le sien, peut-être, celui de cet homme, je ne sais pas, je ne cherche pas à comprendre, je remercie, je m’effondre dans la chose sans même me doucher.

    Sommeil profond jusqu’à la siesté. Là, le bruit, mais aussi la faim qui me fait remonter la côte jusqu’au restaurant.

    Ah, les sandwichs (Bocadillos) sont secs, pain et… ni beurre, ni tomate, ni mayo, ni cornichons… Enfin, un progrès depuis quelques jours le pain est bon.


    Santiago est à 21 km.

     


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  •  Je suis partie, disons avec le troisième train, dans la nuit et le brouillard. Il pleut sous les grands arbres. Ainsi la terre jouit même là où le soleil s'absente.


    Le soleil caresse le haut des monts
    Là un chapeau mordoré
    Ici une ligne brisée
    Plus loin un faisceau brumeux
    D’où émergent de mystérieuses crevasses.

    Tout cela sous le regard attendri
    De dame lune.

    Le chemin s’enfonce inexorablement
    Dans le ventre de la terre
    Ici, il traverse un village
    Aux ruelles encaissées
    Où l’eau claire court entre les pierres.

    Un pont pour franchir la cascade
    Sans les flèches jaunes comment
    Ne pas se perdre dans ce dédale.

    Les chiens profitent de la fraîcheur
    Cet après midi ils chercheront l’ombre
    Les moutons attendent patiemment
    L’heure de l’alpage
    Et déjà voici le cimetière.

    Là où dorment les anciens
    Passe celui qui est tombé hier
    Déjà nous remontons
    Pour redescendre bientôt
    Ainsi le chant de la rivière
    Va crescendo.

    L’amie fidèle est toujours là, trace fine
    Trait épais, point sur le dos de la pierre
    Tant de regards l’ont cherchée, espérée
    Et finalement avec soulagement trouvée
    Elle est celle qui guide, rassure
    Relie le pèlerin au camino
    Les pèlerins entre eux
    Ceux d’aujourd’hui, ceux d’hier.

    Cette fois-ci ça y est, l'astre du jour a franchi le sommet
    Et le voici qui court dans l’eau
    Passe la vallée et vient caresser la joue
    Dans la montée, il commence à me réchauffer.

    Au versant des coteaux ce sont les ombres
    Maintenant qui se jouent du soleil
    Et le chemin de même va et vient
    Ici c’est une allée ombragée
    Où il fera bon plus tard de musarder.

    En voilà une qui passe à toute allure
    Laissant derrière le mari
    Elle se dépêche, dit-elle, d’arriver
    Avant les grosses chaleurs
    Mais déjà elle transpire dans la fraîcheur
    Plutôt que d’en profiter.

    Quand le soleil a enfin caressé
    Le pubis de la terre
    Des odeurs suaves se sont élevées
    En volutes bleues…

    Il y avait là une belle croix sur un monticule, une vierge à l’enfant
    C’est là que Gandhy est apparu.

     


    Maintenant, c’est l’heure du défilé, le dernier train pour Melide. Les autres attendent depuis 10 heures à la porte de l’albergue de Palas de Rei. Pourvu qu’ils ne se battent pas, la tension est forte, la peur d’être à la rue, ne pas avoir de lit…


    Depuis quelques jours, ça patrouille sur le chemin, en voiture, à cheval, en moto.
    Le vent se lève et ça c’est très agréable.


    La décision est prise, j’ai un peu les boules, je suis bien ici, j’ai un lit, il y a de l’espace et la fatigue ne manque pas. Mais voilà, si je refais 10 km ce soir, demain je pourrais être à Santiago. Se poser pour le moment et tranquillement faire ce qu’il y a à faire.


    Fred m’a dit n’oublie pas Patrick, ni Nuque raide. Demain lorsque je vais poser mon front sur la tête de granit, je veux rayonner d’amour et de compassion pour tous.

    Patrick… tout est si loin, maintenant. Tu es mort et c’est comme si je ne savais plus. Le pardon ? Pour toi d’être parti ? Pour nous deux, d’avoir blessés ces enfants là, les nôtres ? Pour moi ? Trop égoïste, centrée sur ma souffrance et mes doutes ?

    Paix ait ton âme, mon ami, mon doux, mon tendre, je caresse ton visage, je ferme tes yeux, à tout jamais. Ne soyons plus tristes. Ce soir partons ensemble, pour marcher un peu…

    Demain, en décider, sera un grand jour !

     


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  • La nuit a déposé un voile d’humidité sur toute chose y compris sur le duvet.
    Lune est toujours en croissant, le grand astre a soulevé la brume matinale en faisceaux orangés. Dans un petit coin de verdure, un théâtre de lumière délicatement mystérieux.


    Puis la fatigue m’a prise et enserrée dans les dédales pierreux de la Galicie.
    Au pied d’un plus que centenaire, je me suis endormie.

    Au réveil, le chien était là, assis, paisible à me regarder. Quelle rencontre ! Fascination de ses beaux yeux dorés, ce regard qui me traverse. Et puis l'instant d'après la peur, c'est un grand chien, que veut-il ? Ne va-t-il pas vouloir me suivre ? Les questions se bousculent, dans ma tête, parce que lui reste tranquille, sans me quitter des yeux.... Quand je me suis levée, il n'a pas bougé, il m'a regardée m'éloigner. Adios le chien, je ne t'oublierai jamais !

     

    L’un des jeunes bruyants de la nuit dernière a perdu sa coquille, juste devant moi. Plus moyen de marcher en solitaire, maintenant le troupeau s'étire le long du camino de 5h du mat jusqu'à 15h. Il faut se méfier quand tu baisses culotte qu'il n'y en ait pas un qui te tombe dessus.


    Arrêt à midi Portomarin pour le repas et une sieste, j’ai revu « Quétal » et le « petit Gandhi ».


    Hier soir, une pie a fait un bout de chemin avec moi, là c’est un petit oiseau qui reste tout près.

    Les bêtes, elles aussi cherchent la fraîcheur de l’ombre, le long des murs, les moutons...

    Je me suis posée à Hospital da Cruz, j’aurai du continuer ! Mais il est trop tard, trop de courbatures aussi, je vais me coucher. Le bruit est intense, mais je m'endors dans le couloir du refuge.

     


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  • Sarria, en passant à Sarros, Leilà m’avait parlé du monastère, je lui ai laissé un message sur le livre d'or.

     

    L’auberge est au complet, la ville n’offre aucun attrait. Je vais dormir un peu, attendre que la chaleur baisse et repartir.

    Dans ce bar, le sol est jonché de mégots, de papiers… Allez va à la sieste !

    Difficilement, j’atteins Barbadelo, aujourd’hui plus de 40 km. Pas de place dans le refuge, pas même au sol. Toutes les albergues sont complètes dès midi.
    Pour la première fois je dors à la belle étoile. Nuit bruyante, les jeunes ne s’endorment que bien après minuit, nuit froide et humide au petit matin.

     


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  • Le bleu du ciel est si intense, vacuité qui te transperce de part en part. Il ne reste plus rien de toi.


    Dans la matinée, j’ai gravi O Ceibrero. J'ai fait une pose au café près de l’église, une drôle de rencontre avec un homme, mal aimable, hostile, et qui pour finir me manifeste une grande sympathie.


    Nous étions installées à Hospital da Condesa, et brusquement je décide de repartir, adieu Leïla !

    Un sentiment de liberté profond et paisible à peine quitté le refuge, où venait d’arriver Dandy.


    Il doit être aux alentours de 20h, j’ai fait ce que j’avais à faire à Tracastela. Les conditions d’accueil sont des plus précaires, douche froide, tentes militaires et le sol. Peu importe, Santiago est si proche, j’y serai avant la nouvelle lune, en cet état de solitude retrouvé où le silence accompagne. Il sera peut être possible d’être à la nouvelle lune, au cap Finistère, et de là retourner vers le Grand Est dans l'élan d'un nouveau cycle.

    Je viens de croiser le Hollandais si gentil, qui m’avait demandé si avec le nouveau bâton ça allait. Comme moi, il semble avoir attrapé une fièvre, celle d’aller au plus vite, au plus loin, sans plus ne se soucier de rien d’autre.
    Je n’ai pas envie de dormir, je suis installée sur le chemin des toilettes, cela crée une certaine confusion, ils défilent avec leur P-cu à la main, l’air de rien.

    Je choisis une tente tout au fond du terrain, où il n’y a personne. Ces tentes sont immenses, rondes comme des tipis.

    A peine suis-je couchée que j’entends quelqu’un entrer dans l’obscurité. La personne, un homme je crois, s’approche du sac posé à ma tête. Tout se passe si vite je m’assois et tout simplement sans peur : « Holà ». L’ombre furtive décampe sans un bruit. Je me recouche et m’endort paisiblement, comme si rien ne pouvait arriver.

     


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  • Aujourd’hui j’ai marché au bord d’une route où les travaux vont bon train, des routes, encore des routes. Mon impuissance est grande et ma peine profonde.



    Ils ont creusé dans son ventre
    Si profond et si brutalement
    Que la terre pleure
    Elle gémit et sanglote

    Lorsqu’elle verra ce que nous avons fait
    Lorsqu’elle comprendra que tout cela
    N’était que pour toujours plus de profit
    Sa colère sera grande et terrible

    Elle soulèvera des vagues jusqu’au ciel
    Crachera le feu, ouvrira des gouffres
    Pour anéantir ces monstres
    Que nous sommes devenus

    Il fallait passer par là, pour toucher cela, pour se souvenir que c’est ici que vivent les hommes. Et l’eau claire est devenue boueuse et le silence s’est empli du bruit des camions et des engins.

    Le soleil va franchir la montagne et déjà il va faire froid.
    Ceux rencontré hier « A demain », ont déjà disparu. Ce que le chemin te donne, il te le reprend aussitôt. Déjà tu étais dans l’attitude à saisir, tu as serré le poing, et plus un grain de sable au creux de ta main.


    Nuit à Vega de Valcare avec Leïla, dans une pension privée.

     


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  • Villa France Del Biezo, quatre églises dans une petite ville encaissée entre des monts à la courbe douce. Les nuages passent au-dessus en effleurant leurs formes arrondies.

    Eglisia San Francisco, tu m'as touchée en plein cœur...  émotion, c'est une rencontre, instant fugace...


    Rencontre de deux américains, repas au monastère avec Leïla.

    Peu à peu, nos pas se rapprochent de la grande porte.

     


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